Doux et séduisant, le sucre est pourtant au cœur de débats intenses dans le monde de la santé. Sa surconsommation, devenue presque norme dans notre alimentation moderne, soulève d’importants questionnements. On s’interroge notamment sur son rôle dans le processus inflammatoire, un phénomène associé à diverses maladies chroniques et problèmes de santé. Dans cet article, nous allons explorer les mécanismes cachés derrière cette relation peu connue. Quel est le lien entre sucre et inflammation ? Quelles sont les implications pour notre santé globale ? Et surtout, comment pouvons-nous adapter nos habitudes alimentaires pour réduire ces risques ? On vous explique tout !
Le sucre dans notre alimentation
La recommandation de l’Organisation mondiale de la santé est de ne pas dépasser 50 g de sucre ajouté par jour. Or, peu d’entre nous respectent cette limite.
Mais le problème supplémentaire, c’est que le sucre n’est pas seulement présent dans les aliments sucrés. En effet, il est un composant omniprésent dans notre alimentation quotidienne.
Les produits transformés et les aliments salés, par exemple, contiennent souvent des quantités surprenantes de sucre ajouté.
Des sauces pour pâtes aux soupes en conserve, en passant par les plats préparés et même certains produits de charcuterie, le sucre est fréquemment utilisé pour améliorer le goût, la texture, ou la conservation des aliments.
L’industrie alimentaire a tendance à ajouter du sucre dans une variété étonnante de produits, y compris ceux qui ne sont pas perçus comme sucrés.
Les étiquettes des produits alimentaires révèlent souvent la présence de sucre sous diverses appellations : sirop de maïs à haute teneur en fructose, dextrose, maltose, saccharose, et bien d’autres.
Cette multiplicité de termes peut rendre difficile pour les consommateurs la tâche de détecter et de limiter leur consommation de sucre.
Si bien qu’on ne parle plus de seulement dépasser les limites recommandées, mais bien de les exploser s’exposant ainsi à divers problèmes de santé.
Comment notre corps digère-t-il le sucre ?
Lorsque nous consommons des aliments contenant du sucre, ce dernier est absorbé dans le sang à travers l’intestin.
Ce sucre, principalement sous forme de glucose, est alors disponible pour être utilisé comme source d’énergie par nos cellules.
Pour que le glucose puisse être absorbé par les cellules, l’insuline, une hormone produite par le pancréas, joue un rôle crucial. Elle aide à réguler le taux de sucre dans le sang et permet aux cellules de l’absorber.
Mais du coup, une consommation excessive (comme c’est le cas pour la plupart des personnes) de sucre, particulièrement de sucres simples ajoutés, entraîne plusieurs répercussions.
Tout d’abord, cela peut causer des pics de glycémie, suivis d’une chute rapide, ce qui peut mener à des fluctuations de l’énergie et de l’humeur.
À long terme, un apport élevé en sucre peut surcharger le mécanisme de régulation de l’insuline, conduisant potentiellement à une résistance à l’insuline. Et cela peut être le début de nombreuses complications…
Le sucre et l’inflammation : quel est lien ?
Le sucre peut exercer ses effets néfastes sur les maladies auto-immunes et l’inflammation par plusieurs mécanismes, conduisant à divers problèmes de santé.
Nous allons voir ensemble comment le sucre et l’inflammation sont liés en comprenant mieux ce qu’il se passe dans notre corps lors de sa consommation.
Les mécanismes biologiques de la consommation de sucre
Un aspect clé est la formation de produits de glycation avancée (AGEs). Ces composés se forment lorsque les protéines ou les lipides dans notre corps réagissent avec le sucre.
Ce processus, connu sous le nom de réaction de Maillard, n’est pas limité à notre alimentation, mais se produit également naturellement dans notre organisme.
Lorsque le taux de sucre dans le sang est élevé, comme c’est souvent le cas dans les régimes riches en sucre, la formation d’AGEs augmente significativement.
Les AGEs contribuent au stress oxydatif et à l’inflammation, affectant divers tissus et organes dans le corps.
Cette inflammation peut être particulièrement préjudiciable chez les personnes souffrant de diabète, où la formation et l’accumulation d’AGEs sont exacerbées en raison de niveaux de glucose élevés (1).
Mais il faut aussi savoir que le sucre influence également l’inflammation à un niveau génétique.
Il a été découvert que la consommation de glucose peut activer divers segments de gènes associés à des réponses inflammatoires.
Par exemple, l’acétyl-CoA, un intermédiaire métabolique produit lors de la dégradation du glucose, joue un rôle dans les cellules inflammatoires Th17, régulant l’activité de gènes pro-inflammatoires.
Ces découvertes indiquent que le sucre peut directement impacter l’expression génétique liée à l’inflammation, offrant ainsi de nouvelles perspectives dans la compréhension du lien entre régime alimentaire et maladies inflammatoires, y compris les maladies auto-immunes (2).
Les effets sur le microbiote intestinal
Le sucre, et en particulier les types comme le fructose et le saccharose, peut avoir un impact négatif sur la composition du microbiote intestinal.
Les sucres cachés dans les produits transformés peuvent représenter une quantité importante de sucres chaque jour, déstabilisant ainsi le microbiote.
Cette déstabilisation peut favoriser la prolifération de certaines bactéries au détriment d’autres, perturbant l’équilibre naturel de notre microbiote (3).
le problème, c’est qu’un microbiote intestinal déséquilibré peut entraîner une augmentation de la perméabilité de l’intestin.
Normalement, l’intestin agit comme une barrière contrôlant ce qui passe dans la circulation sanguine.
S’il est perturbé, cela peut affaiblir cette barrière, permettant à des molécules pro-inflammatoires de s’infiltrer dans la circulation.
Cette perméabilité accrue est souvent décrite comme un “intestin qui fuit” et est un facteur contribuant à l’inflammation systémique.
Le sucre et l’inflammation : les conséquences sur votre corps
Nous avons désormais vu comment le sucre et l’inflammation peuvent être liés.
En effet, il peut exercer ses effets néfastes sur l’inflammation par plusieurs mécanismes, conduisant à divers problèmes de santé. Mais lesquels ?
Obésité et syndrome métabolique
De nombreuses études montrent un lien direct entre la consommation de sucre ajouté, en particulier sous forme de boissons sucrées, et le gain de poids (4).
L’excès de sucre dans l’alimentation peut augmenter l’apport calorique global.
Sans une activité physique adéquate pour brûler ces calories supplémentaires, cela mène souvent à une prise de poids et donc très souvent à des complications inflammatoires même lorsque l’on est en bonne santé (5).
Comme nous l’avons vu, une consommation excessive de sucre peut perturber le métabolisme normal de l’organisme.
Les sucres ajoutés sont digérés rapidement, entraînant des fluctuations de la glycémie et une sécrétion hormonale déséquilibrée.
Ces perturbations peuvent conduire au syndrome métabolique, un ensemble de conditions incluant une augmentation des triglycérides dans le sang, une cholestérolémie élevée et une hypertension artérielle, augmentant ainsi le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète.
Enfin, l’obésité contribue à la résistance à l’insuline, un état où les cellules de l’organisme ne répondent plus efficacement à l’insuline.
Cette résistance à l’insuline peut non seulement augmenter le risque de développer un diabète de type 2, mais aussi aggraver l’état inflammatoire.
Cancer
L’inflammation chronique, un état persistant de réponse inflammatoire dans le corps, est un facteur de risque connu pour plusieurs types de cancer.
L’excès de sucre dans l’alimentation peut favoriser cet état inflammatoire, créant un environnement propice au développement de cellules cancéreuses.
De plus, le sucre et les produits finaux de glycation avancée (AGEs) peuvent influencer la croissance et la multiplication des cellules cancéreuses.
Ces AGEs, formés par la réaction du sucre avec les protéines et les graisses dans le corps, peuvent causer des dommages cellulaires et un stress oxydatif, deux facteurs associés à la progression du cancer.
Les maladies inflammatoires intestinales et hépatique
La surconsommation de sucre, en particulier de fructose, est fortement liée à la maladie hépatique grasse non alcoolique.
Cette condition se caractérise par une accumulation excessive de graisse dans le foie, non liée à la consommation d’alcool.
Des études suggèrent que la consommation élevée de fructose peut perturber le métabolisme normal du foie, favorisant ainsi l’accumulation de graisse et l’inflammation.
Ce processus peut conduire à des dommages hépatiques plus graves, tels que la stéatohépatite non alcoolique, la cirrhose, voire le cancer du foie (6).
Mais il ne faut pas oublier que l’inflammation chronique liée à une alimentation riche en sucre peut également jouer un rôle dans le développement de maladies inflammatoires intestinales telles que la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique et la colite ulcéreuse (7).
Les troubles neurologiques et maladies neurodégénératives
L’impact du sucre sur le cerveau et les fonctions neurologiques est un domaine de recherche en pleine expansion, révélant des liens potentiels entre la consommation excessive de sucre et divers troubles neurologiques.
Tout d’abord, il a été montré que l’inflammation chronique, exacerbée par une consommation élevée de sucre, peut contribuer au déclin cognitif.
Le sucre, en particulier le fructose, peut influencer la santé cérébrale en modifiant la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique et en affectant la signalisation neuroinflammatoire, ce qui peut potentiellement altérer les fonctions cognitives (8).
D’ailleurs, certains mettent en lumière l’existence d’un lien entre une alimentation riche en sucre et un risque accru de développer la maladie d’Alzheimer.
Cette relation est parfois désignée sous le terme de “diabète de type 3”, reflétant l’impact de la résistance à l’insuline et de l’hyperglycémie sur le cerveau (9).
Les problèmes articulaires liés au sucre
L’arthrose, une forme courante de maladie articulaire, a été liée à la consommation de sucre.
Une étude publiée dans “Arthritis Care & Research” en 2017 a révélé une progression plus rapide de l’arthrose du genou chez les femmes ayant une consommation élevée de sucre.
Elle suggère donc que le sucre peut contribuer à l’augmentation de l’inflammation dans les articulations, accélérant ainsi la progression de l’arthrose et de certaines maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde (10).
De la même façon, a goutte, une forme d’arthrite inflammatoire, est causée par l’accumulation de cristaux d’acide urique dans les articulations.
La consommation excessive de fructose est particulièrement préoccupante dans ce contexte.
Le fructose, présent dans les fruits mais également utilisé comme édulcorant dans de nombreux aliments transformés, est converti en acide urique par l’organisme.
Une production accrue d’acide urique peut favoriser la formation de cristaux dans les articulations, déclenchant des crises de goutte.
La consommation excessive de sucre, donc, peut augmenter le risque de développer cette condition douloureuse.
Comment réduire sa consommation de sucre pour réduire l’inflammation ?
Face aux défis posés par la surconsommation de sucre et son impact sur l’inflammation, il est crucial de connaître les alternatives plus saines et les stratégies pour gérer notre apport en sucre.
Tout dabord, envisagez des alternatives au sucre raffiné. Des options telles que le sirop d’agave, la stévia, les fruits frais, qui ont un indice glycémique plus bas.
Cela signifie qu’ils augmentent moins le taux d’insuline dans le sang, réduisant ainsi le risque d’inflammation et d’autres problèmes métaboliques associés à une glycémie élevée.
Il est aussi important de comprendre l’indice glycémique (IG) des aliments.
Les aliments à IG élevé, comme le pain blanc et le riz blanc à cuisson rapide, font rapidement monter le taux d’insuline, ce qui peut augmenter les fringales et le gain de poids. Il est préférable également d’éviter les aliments pro-inflammatoires.
Opter pour des aliments anti-inflammatoires à faible IG peut aider à maintenir une glycémie stable et réduire l’inflammation
Quelques conseils pratiques pour changer ses habitudes de sucre
- Lisez les étiquettes : Soyez vigilant quant aux sucres cachés dans les produits transformés. Souvent, le sucre est ajouté sous différents noms, donc apprendre à identifier ces termes sur les étiquettes alimentaires est essentiel.
- Réduisez progressivement : Si vous avez l’habitude de consommer beaucoup de sucre, réduisez votre consommation progressivement pour permettre à votre palais de s’adapter.
- Privilégiez les aliments entiers : Optez pour des fruits entiers au lieu de jus ou de desserts sucrés. Les fruits entiers fournissent des fibres et d’autres nutriments essentiels, en plus de leur teneur naturelle en sucre.
- Cuisinez maison : Préparez vos repas et vos snacks à la maison autant que possible. Cela vous donne un contrôle total sur les ingrédients et vous aide à éviter les sucres ajoutés.
Sources
(1) Schmidt AM, Hori O, Brett J, Yan SD, Wautier JL, Stern D. Cellular receptors for advanced glycation end products. Implications for induction of oxidant stress and cellular dysfunction in the pathogenesis of vascular lesions. Arterioscler Thromb. 1994 Oct;14(10):1521-8.
(2) Sophia M. Hochrein, Hao Wu, Miriam Eckstein, Laura Arrigoni, Josip S. Herman, Fabian Schumacher, Christian Gerecke, Mathias Rosenfeldt, Dominic Grün, Burkhard Kleuser, Georg Gasteiger, Wolfgang Kastenmüller, Bart Ghesquière, Jan von den Bossche, E. Dale Abel, and Martin Vaeth. The glucose transporter GLUT3 controls T helper 17 cell responses through glycolytic-epigenetic reprogramming. Cell Metabolism. P516-532.E11,05 AVRIL 2022
(3) Ruiz-Ojeda FJ, Plaza-Díaz J, Sáez-Lara MJ, Gil A. Effects of Sweeteners on the Gut Microbiota: A Review of Experimental Studies and Clinical Trials. Adv Nutr. 2019 Jan 1;10(suppl_1):S31-S48.
(4) Jameel F, Phang M, Wood LG, Garg ML. Acute effects of feeding fructose, glucose and sucrose on blood lipid levels and systemic inflammation. Lipids Health Dis. 2014 Dec 16;13:195.
(5) Aeberli I, Gerber PA, Hochuli M, Kohler S, Haile SR, Gouni-Berthold I, Berthold HK, Spinas GA, Berneis K. Low to moderate sugar-sweetened beverage consumption impairs glucose and lipid metabolism and promotes inflammation in healthy young men: a randomized controlled trial. Am J Clin Nutr. 2011 Aug;94(2):479-85.
(6) Ouyang X, Cirillo P, Sautin Y, McCall S, Bruchette JL, Diehl AM, Johnson RJ, Abdelmalek MF. Fructose consumption as a risk factor for non-alcoholic fatty liver disease. J Hepatol. 2008 Jun;48(6):993-9.
(7) Dixon LJ, Kabi A, Nickerson KP, McDonald C. Combinatorial effects of diet and genetics on inflammatory bowel disease pathogenesis. Inflamm Bowel Dis. 2015 Apr;21(4):912-22.
(8) Rippe JM, Angelopoulos TJ. Relationship between Added Sugars Consumption and Chronic Disease Risk Factors: Current Understanding. Nutrients. 2016 Nov 4;8(11):697.
(9) De la Monte SM, Wands JR. Alzheimer’s disease is type 3 diabetes-evidence reviewed. J Diabetes Sci Technol. 2008 Nov;2(6):1101-13.
(10) Tedeschi SK, Frits M, Cui J, Zhang ZZ, Mahmoud T, Iannaccone C, Lin TC, Yoshida K, Weinblatt ME, Shadick NA, Solomon DH. Diet and Rheumatoid Arthritis Symptoms: Survey Results From a Rheumatoid Arthritis Registry. Arthritis Care Res (Hoboken). 2017 Dec;69(12):1920-1925.